A lire la presse spécialisée, conduire un camping-car ne présente pas de difficultés insurmontables, si ce n’est de s´adapter au gabarit du véhicule. Malgré sa facilité de conduite, on doit garder en toutes circonstances à l´esprit la hauteur, la largeur et le poids du véhicule. Les écrits, c’est bien. Le mieux, c'est encore la pratique. Lorsqu’on est novice en la matière, ce n’est pas évident. Mais on n’a pas le choix et il faut bien se lâcher à un moment ou à un autre. Après l’indispensable nettoyage et préparation du camping-car, le jour tant attendu est arrivée. Nous avons choisi de sillonner la Camargue pendant dix jours, une destination proche et ne présentant pas de routes compliquées. Finalement, le voyage sera écourté, un petit problème banal ayant raison de notre patience. Malgré cela, notre escapade camarguaise que nous avons réalisé du 5 au 10 avril 2008, avec un parcours de près de 600 km, restera un souvenir précieux pour une nouvelle partance l’année prochaine.

Samedi 5 avril 2008 : Cinquante-neuf kilomètres au compteur, on ne peut pas dire que nous avons bien roulé avec. C’est donc sous un ciel bleu que nous avons pris la route : Direction la Camargue. Un lieu que nous connaissons bien puis, en septembre dernière, nous avons passé une quinzaine de jours au Paradou, un charmant petit village situé entre les Baux-de-Provence et Maussane-les-Alpilles, au pied de la chaîne des Alpilles.
Nous quittons notre Drôme des Collines au son de musiques country, musiques d’ailleurs qu’on appréciera au fil des kilomètres, en non-stop, tant elles sont agréables et reposantes à écouter. Il faut dire que depuis quelques semaines, nous faisons partis d’un club de country. Une fois n’est pas coutume, nous empruntons le pont des Lônes (1), au sud de l’agglomération de Valence, pour rejoindre la RN 86. Une manière également d’admirer la montagne de Crussol sous un autre angle. Pour ceux qui l’ignore encore, cette montagne, qui s’avance comme un vaisseau de pierre dans le sillon rhodanien, est certainement l'un des sites majeurs de la côtière du Rhône du point de vue naturaliste. De plus, sa sentinelle, qui aurait abrité les amours clandestines de Bonaparte, notamment avec Adélaïde de Saint-Germain, est considérée, à juste titre, comme l'un des hauts-lieux du patrimoine ardéchois.
La route nationale 86 sera notre fil conducteur. Quelques jalons sur la route : Soyons et sa tour penchée ; Charmes-sur-Rhône, village chargé d'histoire et de tradition ; Beauchastel, au confluent de l'Eyrieux et du Rhône, qui fut un des greniers à sel du royaume ; la Voulte-sur-Rhône avec son vieux village caractéristique de l'époque gothique moyenâgeuse construit autour d’un rocher tel un escargot ; le Pouzin, où périt, en octobre 1574, le fils de Michel de Nostradamus pour avoir prédit que la ville, assiégée par les troupes royales, périrait par le feu ; Baix, une cité fortement marquée par le Rhône ; Cruas, qui depuis 1991 peut se vanter de posséder la plus grande peinture murale d'Europe (135 mètres de hauteur, surface 13 500 m2) sur l'un des 4 aéroréfrigérants de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse ; Meysse dont le village a la particularité de posséder une église avec piscine baptismale de forme octogonale où l'on pratiquait le baptême par immersion (ce genre d'ouvrage religieux est assez rare en France) ; Rochemaure aux pieds des monts des Coirons et d'un ancien volcan : Le Chenavari. Lorsqu’on arrive, on ne peut qu’être frappé par la masse noire de l’immense dyke basaltique (remontée de lave dans une faille et mise à jour par l'érosion) qui s’étire au sommet de la pente dominant la rive droite du Rhône. C’est donc au pied de ce dyke où se situent, à quelques pas, les remparts du château fort, que nous avons pris notre premier repas dans notre camping-car.
Le beau temps est toujours de la partie. Le Teil, porte d'entrée de l'Ardèche Méridionale, ne nous laisse pas indifférent, tout au moins pour moi. Mon arrière-grand, et donc mon grand-père, demeura pendant quelques années. Il travaillait à la Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée, communément désignée sous le sigle PLM. Viviers, capitale historique du Vivarais, Bourg-Saint-Andéol, porte d’entrée vers les Gorges de l’Ardèche au carrefour de quatre départements, que de monuments se cachent au cœur de ces deux cités. L’envie est là mais l’heure n’est pas à la visite. Nous poursuivons vers Saint-Just, puis Pont-Saint-Esprit, la petite ville tranquille qui, dans un environnement préservé, possède le plus ancien pont sur le Rhône (pont médiéval à 25 arches, construit de 1265 à 1309, et mesurant 919 mètres de long). Nous gardons la RN 86 jusqu’à Bagnols-sur-Cèze. Nous quittons la capitale du Gard rhodanien en prenant la N 580 jusqu’aux abords ouest de Villeneuve-lès-Avignon. Avignon est à deux pas mais nous restons sur la rive droite du Rhône en empruntant la route d’Aramon (D2). Elle nous permet de passer près de la centrale thermique de production d'électricité d’EDF et sa fameuse cheminée, l'une des plus hautes structures française. De plus, la route, en bordure du Rhône, est remarquable et agréable à rouler. La route touristique (D 9861) de Beaucaire nous amène près du cœur de la cité, sur le boulevard Maréchal Foch. Le pont franchissant le canal du Rhône à Sète nous permet de rejoindre le quai de la Paix (D 999) puis de passer le Rhône sur le pont de Beaucaire avec pour décor l'imposant château de Tarascon. Il n’est pas question de rentrer dans la ville, donc, au sortie du pont, nous tournons à droite sur la route d’Arles pour rejoindre le quai du Rhône. En quelques tours de roues, en passant par la zone portuaire, nous rejoignons le rond-point de la D 99, à la sortie du monumental pont à haubans de Tarascon-Beaucaire. La plaine s'étend étroite, riante, jusqu'aux Alpilles dentelées qui barrent l’horizon. Ces crêtes déchiquetées, de 300 à 400 mètres d'altitude, donnent l'illusion de véritables montagnes. La blancheur des sommets arides se découpant sur le ciel dans une atmosphère transparente fait songer à quelque paysage de Grèce. Nous rattrapons très vite l’extrémité occidentale de la chaîne des Alpilles, toujours par la route d’Arles. Aux abords de la chapelle romane Saint-Gabriel, nous poursuivons par la route de Fontvieille (D 33 a). Après avoir traversé le petit village du Paroudou, nous arrivons à notre destination, Maussanes-les-Alpilles, où nous nous garons pour la nuit, sur le vaste parking (250 places) jouxtant l'espace Agora Alpilles. Nous profitons des derniers rayons du soleil pour aller faire un tour au village, d'autant que nous sommes qu'à une rue du centre. Finalement, nous ne seront pas seuls à dormir sur cette place. Deux autres camping-cars viendront nous tenir compagnie…
Dimanche 6 avril 2008 : Maussane-les-Alpilles a le charme de ces villages provençaux encore authentiques et, donc, nous profitons du soleil toujours présent pour flâner dans ses rues et faire quelques photos… Et diverses petites courses avant de rependre le volant en direction de Saint-Martin-de-Crau, véritable « ville à la campagne », qui s’épanouit au cœur de grands espaces entre Alpilles, Camargue et Crau. Malgré son charme, nous nous arrêtons pas. Nous prenons la D 24 jusqu'au Mas Thibert pour rattraper la D 35 qui descend d'Arles. Toujours au rythme de musiques country, nous côtoyons les premiers paysages camarguais, espaces sauvages où les manades de taureaux et de chevaux vivent en liberté. Bientôt, à l’est, des silhouettes d’arbres à hélice, alignés le long du canal de Barcarin, sur des terrains du Port autonome de Marseille, se profilent. C’est le parc éolien de Port-Saint-Louis. Il est composé de 25 éoliennes, de 75 mètres de hauteur, alignées le long du canal du Rhône à Fos-sur-Mer sur un linaire de plus de 5 kilomètres.
Quelques kilomètres plus loin, nous entrons à Port-Saint-Louis-du-Rhône, ville dite « du bout du Monde », à l'embouchure du Grand Rhône. Nous rejoignons la tour Saint-Louis (un ancien poste de surveillance du fleuve fondée en 1737) qui abrite désormais l’office de tourisme et, après avoir passé l’imposant pont basculant, l’aire de stationnement situé près du port de pêche, en bordure du canal Saint-Louis.
Le soleil est toujours au rendez-vous mais la température a baissé de plusieurs degrés et « il souffle un mistral à décorner les taureaux de Camargue » (E boufo un mistralas a desbana tóuti li bióu de la Camargo). Cela ne nous empêche pas de chausser les baskets et partir pour plusieurs kilomètres. Tout naturellement, nous marchons vers la plage de Carteau réputée pour un sport de traction qui se pratique sur l'eau : Le kitesurf. C’est également un des hauts lieux méditerranéens de production de coquillages, dont les fameuses moules de Carteau servies dans la plupart des restaurants de la Côte d’Azur. La plage est collée à d’anciennes cabanes de pêcheurs très souvent réaménagées en bungalows de vacances. C’est un petit paradis pour les pêcheurs amateurs à pied, qui recherchent en grattant dans le sable limoneux coques, palourdes et clovis. Les cabanons qui marquent le paysage de l'anse de Carteau sont l’occasion de prendre quelques photographies pour mémoriser cet instant furtif.
Lundi 7 avril 2008 : Aujourd'hui, la grisaille est au rendez-vous. Le vent souffle toujours aussi fort et le changement de température est très brusque. De 21° C à 5° C en deux jours. Nous reprenons la route en direction du petit village de Salins-de-Giraud. Nous rallions donc le bac de Bacarin. Le Grand Rhône est là… Tout aussi majestueux qu'à Port-Saint-Louis-du-Rhône. Nous avons à peine le temps d'admirer les reflets argentés qui dansent sur le fleuve Dieu. La traversée (4,50 euros) est courte (430 mètres). Cinq minutes, guère plus, et nous voilà déjà sur la rive droite du Rhône. L'accès à l'aire de service est des plus aisé. Il suffit de suivre le fléchage qui y conduit.
Le temps ne nous invite pas vraiment à sortir mais nous prenons le risque de prendre une radée… Qui, finalement, ne tombera pas. Salins-de-Giraud, qui dépend encore de la commune d'Arles, distante de 38 kilomètres, peut sembler froid de prime abord, notamment ses maisons ouvrières de briques roses, qui rappelle les cités ouvrières et les corons d'autres régions de France. Mais en fait, il en est rien. Tout est question de perception. Avant de retourner sur nos pas, nous passons à l’Office du Tourisme prendre la documentation sur le village, les alentours...
Mardi 8 avril 2008 : Le temps ne s’est pas amélioré, il pleuviote toujours. Et puis il y a le vent. De face, de dos, de profil, il suffit de se tourner pour l'avoir sur tous les côtés. Il nous fait vaciller. Peu importe. Nous décidons de marcher un peu. Malgré le vent frisquet qui souffle, et après avoir traversé le village par le sud, nos pas nous amènent à une éminence chauve, couronnée de végétations saupoudrées de poussière blanchâtre, d'où l'on jouit d'une vue panoramique sur l'ensemble du salin (2). Elle est aménagée près d’une longue colline de sel blanc, appelée camelle, qui s'élève sur le gris du ciel bouchant presque l'horizon. Cette énorme congère neigeuse serait presque immaculée sans les quelques traces d'impuretés qui la souillent par endroits. Nous délaissons l’asphalte qui nous a permis d’atteindre ce belvédère incontournable, mais aussi approcher les abords de ce haut lieu de saliculture camarguaise, pour rejoindre le remblai artificiel du Rhône. Ici, le décor est tout autre. Nous basculons dans l'univers rhodanien même si le relief du bord du Rhône se limite à une digue qui borde le fleuve. La frondaison est bien avancée et c’est un paysage vert qui s’étend sous les yeux. On regrette presque de n'avoir pas pris ce chemin à l’aller, tellement les lieux sont magiques. Plus loin, les vestiges de la plateforme du bac à voie normale, qui prenait les wagons pleins de sel pour les emmener de l'autre coté du Rhône sur Fos d'où ils étaient expédiés, nous indiquent que le bac de Bacarin n’est plus très loin.
Mercredi 9 avril 2008 : Premier désagrément du voyage. Au moment de quitter l’aire de service, le moteur reste muet. Nous imaginons le pire mais très vite nous pensons que la batterie du porteur est totalement déchargée. Agaçant, sans être catastrophique. Mais que faire ? Heureusement, l’aire est accolée à la caserne des sapeurs-pompiers et grâce à une aide précieuse de leur part, nous avons pu nous tirer d’une situation embarrassante. Le problème réglé, nous partons pour Saint-Gilles, généralement appelée officieusement Saint-Gilles-du-Gard, en suivant la petite route (D 36 b) bordant l’étang de Vaccarès. De rares affûts surélevés nous tendent les bras pour observer les oiseaux en Camargue mais nous préférons rouler pour charger les batteries. Nous entrevoyons toutefois quelques flamands roses, des paysages habités de taureaux, mais c’est tout. Il est vrai que ce vaste étang, à cause des immenses roselières qui le bordent, n'offre guère de points d'observation et génère un sentiment de frustration chez le naturaliste découvrant le site pour la première fois. A Saint-Gilles, nous nous garons sur le quai du canal. Notre arrêt est de courte durée car les témoins du niveau de charge des batteries moteur et cellule clignotent sans raison apparente sur le tableau de commande. Fort de notre expérience du matin, nous reprenons donc le volant pour rejoindre un membre de ma famille résidant à Mudaison, un petit village à moins de 15 kilomètres du centre historique montpelliérain.
Jeudi 10 avril 2008 : Le temps n’est pas de la partie ce matin. Un petit crachat se manifeste et le ciel est bien nuageux. Malgré un branchement sur le secteur pendant toute la nuit, les batteries présentent toujours le même problème. Nous tentons de trouver le pourquoi de la chose en téléphonant à notre concessionnaire, mais en vain. Dans la foulée, nous décidons de régler le problème directement avec un technicien. De toute façon, compte tenu du temps pluvieux, nous n’avons guère le choix de faire autrement. Néanmoins, et bizarrement, plus nous remontons la vallée du Rhône, plus le temps s'améliore. Et c’est sous un soleil radieux que nous sommes arrivés à Tain-l’Hermitage.
Quelques contrôles et mesures ont suffit au technicien à identifier l’origine du problème : Une cosse mal serrée sur la batterie moteur. Nous avons un peu les boules, d’autant que le véhicule est neuf. Pas de chance pour nous, mais on ne se démoralise pas pour autant. Compte tenu de l’heure tardive, et comme il n’était pas question de rentrer au bercaille, nous optons d’emblée de rester sur place. Et plus exactement à l’aire de service de Gervans, un joli village au pied d'un vieux vignoble en coteau réhabilité, au nord de Tain-l’Hermitage. Rien ne vaut une visite à pieds pour apprécier ce lieu, même si celui-ci ne nous est pas inconnu. Malheureusement, notre promenade sera écourtée par quelques grosses gouttes de pluie qui tambourinaient sur le sol, présageant d'une forte averse. Effectivement, nous essuyons un bel orage qui nous confine dans le camping-car. Mais cela n'entame pas notre moral, ni notre excitation de repartir demain pour l’Ardèche.

Notes personnelles : Pour notre première sortie en camping-car, malgré une météo peu clémente, tout était parfait. Toujours une super ambiance et des camping-caristes agréables et toujours disponibles. Comme dans d’autres formes d’activités de loisirs, ils y a les irréductibles, les sans-gênes. On fait avec… Avec la ferme intention de ne pas devenir comme eux. Un coup de chapeau, au passage, aux sapeurs-pompiers de Salins-de-Giraud qui n’ont pas hésités à prendre quelques instants pour nous dépanner. Une connaissance de la région, et une petite préparation avant le départ, nous a permis de passer d’agréables moments. Que ce soit les points de stationnement, de remplissage ou de vidange, que les bons coins à découvrir et à visiter, pour passer des vacances printanières à la portée de nos souhaits, et reposantes, sans pour autant renoncer au confort, en tout cas, cette première pratique a été très positive. En conclusion, sillonner les routes en camping-car, c’est faire une tout autre expérience du voyage et, la cerise sur le gâteau, on a toujours tout ce qu'il faut avec soi et on reste là où l'on se plaît. Petite précision complémentaire : Concernant nos haltes nocturnes, et plus particulièrement les bons coins pour stationner ou les aires adaptées aux camping-cars, sans oublier les points de vidange ou de remplissage, nous resterons discrets. Ce qui existe aujourd’hui n'est pas forcément la réalité de demain. Pour preuve, l’aire de Port-Saint-Louis-du-Rhône, pourtant référencée dans plusieurs guides récents, encore en service il y a quelques mois, mais qui a disparu de la carte comme certainement bien d'autres, victimes de camping-cars « ventouses ».

1 - Attendu depuis 30 ans et après 3 ans de travaux et 50 millions d’euros d’investissement, ce nouvel ouvrage long de 526 mètres permet aux voitures, piétons et cyclistes de franchir le fleuve Rhône à plus de 20 mètres au dessus. Il a été inauguré dans le courant du mois de décembre 2004.
2 - Bastion de l’activité industrielle la plus florissante et la plus représentative de la Camargue, les salines de Salins-de-Giraud s’étendent aujourd’hui sur 11 000 hectares et produisent chaque année près de 900 000 tonnes de sel. Elles font parti d’un des plus importants groupes saliniers d’Europe.
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