Notre escapade camarguaise s’est abrégée suite à un problème de cosse mal serrée sur la batterie porteur. Le problème résolu, nous poursuivons cette première sortie, histoire de goûter encore quelques jours aux joies de notre nouvelle « vie » de camping-cariste. C’est donc le récit d'un voyage dans le voyage qui suit. Une virée ardéchoise de près de 420 km, du 11 au 14 avril 2008, en passant par les gorges de l'Ardèche.

Vendredi 11 avril 2008 : L’Ardèche n’est pas une inconnue pour nous puisque nous habitons à deux pas. Mais nous sommes loin de connaître toutes ses multiples facettes touristiques. Et bien quand même, sa nature est tellement différente selon les saisons qu’on ne s’en lasse pas. Mais en attendant de lever l’ancre, et l’expression n’est pas exagérée, puisque de fortes précipitations se sont abattues toute la nuit, nous patientons, attendons l'improbable accalmie qui nous ouvrirait la voie. Aucun espoir d’éclaircie ne déchire les nuages compacts et robustes. Nous décidons finalement de prendre la route vers le sud. Il pleut encore. En arrivant au Pouzin, la pluie cesse enfin, et le ciel se dégage.
Nous roulons cool, sans nous presser et dans les règles de l’art, respect du code de la route. C'est avant tout de la balade pour profiter pleinement de la nature environnante. Arrivés au Teil, nous prenons la N 102 et nous poussons notre route jusqu’à Aubenas, la capitale de l’Ardèche du sud mais également la porte du Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche. Nous nous arrêtons sur la zone commerciale de Ponson Moulon, non pas pour passer la nuit, mais simplement pour récupérer un bidon étanche que nous avons commandé quelques jours auparavant. Cet accessoire, élément incontournable pour les canonistes pour transporter au sec leurs effets personnels, est bien pratique pour les camping-caristes qui souhaitent faire un brin de lessive sans pour autant charrier une machine à laver le linge. Finalement, notre halte est plus longue que prévue. Nous faisons deux pierres d’un coup en achetant des VTT à un prix attractif. Mais enfourner deux vélos dans une soute sans moyen pour les fixer correctement, c’est une autre paire de manche. Bref, c’est le système débrouille qui entre en jeu.
Nous quittons Aubenas par la D 104 pour prendre la D 579 à la hauteur de Saint-Etienne-de-Fontbellon. Après Saint-Sernin, un petit village au cœur du vignoble et des vergers, nous délaissons la départementale qui monte à Lanas (1) , au profit de la route (D 579 a) qui descend au village d'en bas. Pas n'importe lequel, un de ceux qui vous attrapent avec l’envie d’y rester plus longtemps : Vogüé. Ce village médiéval est bâti en amphithéâtre dans la falaise au bord de la rivière Ardèche et est dominé par l’admirable château du XIIe siècle des seigneurs de Vogüé. Son pont de pierre qui enjambe la rivière a gardé son charme d'antan. Nous le franchissons pour aller sur l’autre rive, sans même se soucier à un seul moment si nous pouvons passer, tellement la rue principale nous semblait très peu large. Finalement, à main gauche, une rue en cul-de-sac nous permet de rejoindre la place publique accolée au cimetière communal. En bas, la rivière Ardèche se la coule douce tandis que les falaises calcaires où se blottissent les maisons se mirent dans ses eaux. Tout cela nous invite à flâner dans ses ruelles étroites, toutes plus attrayantes les unes que les autres. Après cette ballade découverte, nous décidons de passer la nuit sur place.

Samedi 12 avril 2008 : Vogüé est un « village de caractère » et classé parmi « les plus beaux villages de France ». Bordant les vieilles ruelles pittoresques, les maisons sont pelotonnées au pied du château et épousent les courbes de la falaise. Autant dire que le paysage se prête à la flânerie et à l'évasion. Les baskets aux pieds, des couleurs plein la tête (le monde qui nous entoure est merveilleusement coloré), nous marchons vers Vogüé-Gare. Non pas pour faire du tourisme ferroviaire à bord du « Picasso », ce fameux autorail des années 1950, pour rejoindre le terminus de Saint-Jean-le-Centenier, mais simplement pour passer une agréable matinée d'été à se promener et profiter largement du soleil généreux.
En début d’après-midi, nous reprenons notre chemin en direction de Ruoms. Après un court arrêt pour visiter la vieille ville et ses remparts parfaitement conservés, nous continuons sur la départementale (D 579) avec comme décor le Rocher de Sampzon. S’il ne prétend pas remplacer les clochers des villages alentours, avec ses 449 mètres, il faut bien reconnaître que c’est un point de repère qui s’impose dans le paysage régional. En quelques tours de roues, nous arrivons à Vallon-Pont-d'Arc. Nous nous garons sur la place principale du village. Arrêt heureux, puisque nous apprenons par un plan qu’il existe une aire de service, chemin du Chastelas, à deux pas du centre. Le moins heureux, c’est d’avoir programmer le GPS pour s’y rendre commodément. Mal nous en pris, car il nous embarqua au travers des rues étroites alors qu’il suffisait de faire un petit détour par la Vieille Route du Pont d'Arc (D 390). Cela dit, notre camping-car trouva ses aises pour se faufiler sans encombre.
Vallon-Pont-d'Arc se situe aux portes de l'un des plus beaux sites touristiques de France : Les gorges de l'Ardèche. On comprend mieux la présence de nombreux commerces, restaurants et cafés terrasses. Ce n'est pas trop notre tasse de thé, mais ce jour-là, malgré un soleil radieux et une température estivale, la foule n’était pas au rendez-vous. Tant pis pour elle, tant mieux pour nous. C’est donc avec un grand plaisir que nous avons pu déambuler dans ses vieilles rues presque vides.

Dimanche 13 avril 2008 : Le Pont d’Arc, les Gorges de l’Ardèche, qui n’a jamais entendu parler de ces vestiges naturels, creusés et façonnés par l’eau, depuis des millions d’années. Avant 1960, aucune route ne parcourait les Gorges de l'Ardèche : La trentaine de kilomètres séparant le hameau de Chames, près du Pont d'Arc, et le hameau de Sauze, à Saint-Martin-d'Ardèche, n'était praticable qu'à pied. Depuis, pour notre plus grand bonheur, on peut suivre le cours de la rivière du côté nord par une route panoramique à travers la garrigue surplombant les gorges et leurs falaises. A la sortie de Vallon-Pont-d’Arc, après quelques virages et tunnels, nous découvrons un éperon rocheux percé par la rivière : Le Pont d’Arc. Point d’orgue du chef d’œuvre de dame nature, cette fameuse arche naturelle se présente comme une porte d'entrée naturelle du site des gorges. Et c’est vrai que le Pont d'Arc est tout autant une curiosité géologique extraordinaire qu'un signal visuel incontournable. La photo s'impose et les clichés sont rarement médiocres avec une telle merveille. Même le soleil est de la fête.
La route est bien aménagée avec de nombreux parkings à proximité des points de vue les plus impressionnants. Malgré tout, nous imaginons que cela doit être un peu la galère pour se garer en pleine saison. Chaque virage laisse découvrir un panorama époustouflant. Les paysages et les points de vue (dont les noms sont liés aux différents sites) se succèdent au dessus d’un vide parfois insondable, mais le plus beau est incontestablement le belvédère sur le Cirque de la Madeleine. Un point de vue vertigineux sur les gorges de l’Ardèche. Ici, la rivière n'a pas réussi à franchir la barrière rocheuse.
Comme il ne faut pas abuser des bonnes choses, nous amorçons la descente, moins pentue que la montée, vers Saint-Martin-d'Ardèche. Mieux vaut utiliser le frein moteur au maximum de ses capacités, et bien sûr, adapter sa conduite à la configuration de la route. Mais n’exagérons rien. Les virages s'enchaînent les uns derrière les autres, et on aimerait qu’ils ne finissent jamais, tellement la route est belle. A Saint-Martin-d'Ardèche, nous faisons une petite halte, juste le temps de trouver quelques informations pour trouver, dans les environs, un stationnement pour la nuit. Nous quittons le département de l’Ardèche en franchissant le pont suspendu. Nous entrons alors dans le département du Gard. Le passage de ce pont aurait pu tourner au cauchemar car aucun panneau de signalisation routière d'interdiction d'accès, quelque-soit le côté d’ailleurs, ne prévenait de la largeur maximum. La traversée de son tablier (3.30 mètres entre les poutres-garde-corps) n’a pas posé de problème particulier, si ce n’est une drôle d'impression de voir l’eau qui bouillonne loin en dessous. Le surplomb sur la rivière est une chose, mais la sortie du pont en est une autre. En effet, deux imposants plots de béton barrent la route. Impossible de faire marche arrière. Ça passe ou ça casse. Les rétroviseurs ne touchent pas, c’est donc que le reste du véhicule passe allégrement.
Ce pont est une image : Il marque physiquement le paysage. C’est aussi un symbole : Il saute d’un département à l’autre, d’une commune à l’autre. Et cette commune, c’est Aiguèze, un village médiéval perché sur son nid d’aigle. L’envie de chausser les baskets ne se fait pas attendre. Aiguèze est un petit coin de paradis. L’ancien chemin de ronde, entièrement crénelé, nous permet de découvrir une vue magnifique sur l'Ardèche. En toile de fond, on aperçoit l'impressionnant Mont Ventoux. Les tours, vestiges des fortifications, se dressent fièrement sur le piton rocheux au dessus du chemin de ronde. Les traces de constructions anciennes montrent qu’Aiguèze devait être inaccessible de ce côté. Notre promenade dans le village nous conduira vers l'église, sa placette, l'ancien hôpital et de superbes ruelles comme la Combe des Oiseaux, la ruelle du Moulin... Ce n’est pas sans raison que ce village s'est vu attribuer le label des « plus beaux villages de France », le premier du département du Gard. Son histoire se lit au rythme de nos pas. Arrivée à une singulière sculpture en bois, au sud du village, l’envie nous prend de continuer en bordure de la falaise abrupte jusqu’à Saint-Martin-d'Ardèche, histoire de retraverser son pont suspendu… Et de prendre un verre en terrasse, sur le quai des Pescadoux. Au retour, nous poursuivons notre visite d’Aiguèze. Sur la placette, ombragée de platanes centenaires, nous découvrons, dans l’angle d’un mur, la sculpture d'une tête en pierre surmontée d’une plaque. Rien d’extraordinaire en soit si ce n’est que cette plaque commémore le séjour putatif, entre 1706 et 1777, d’un certain Honoré Agrefoul, distillateur et inventeur de l'absinthe, plus connu de nos jours sous le nom de « pastis ».

Lundi 14 avril 2008 : La nuit a été particulièrement bruyante. Nous avons été réveillé à maintes reprises par le tonnerre et l’orage qui n’a pas cessé tout au long de la nuit. Tout à une fin, même les meilleures choses. Notre circuit de neuf jours en Camargue et en Ardèche méridionale se termine aujourd’hui.

1 - Lanas est notamment connu pour son petit cimetière où repose Henri Charrière dit « Papillon », dont a été tiré le film du même nom, avec Steve McQueen comme acteur.